Deux semaines après notre retour en Suisse, trouver l’énergie de narrer nos dernières aventures n’est pas simple. Mais on a bien envie de fermer cette boucle. C’est parti.
Après le vélo, l’avion, le bus ou encore la planche à voile, on change encore de moyen de transport. Cette fois ce sera un bateau à voile pour 5 nuits!
Le départ est prévu le mercredi 23 mars mais peut encore changer en fonction de la météo. Ce ne sera heureusement pas le cas et on rencontre donc le capitaine et les huit autres passagers à 10h au port. On se rend tous sur l’embarcation pour payer le voyage et déposer nos affaires (et nos vélos) puis on repart errer dans Carthagène toute la journée. Deux missions: trouver des musées climatisés et faire les emplettes d’usage (pilules contre le mal de mer et « plus d’alcool que vous prévoyez à la base »). Côté musées, légère déception: ceux qui sont ouverts n’ont pas de clim’ mais on en apprend plus sur l’art moderne et l’inquisition espagnole. Côté emplettes, on se trouvait optimistes avec une mini bouteille de rhum, trois de vin et 22 bières. On réalisera plus tard que les autres ont fait bien plus fort avec du gin, et de quoi enivrer un régiment!
Bien transpirants, on se retrouve à 22h pour le véritable embarquement . De rapides présentations et d’amples explications sur le fonctionnement des toilettes et le système de hublots (ne pas ouvrir quand on est en mer car il y a un risque que l’eau pénètre dans la cabine et bousille le matériel) plus tard, on lève l’ancre.
La première nuit s’annonce être la plus difficile, selon le capitaine du « Quest ». Il recommande d’éviter l’alcool et de prendre rapidement des pastilles contre le mal de mer. Tout fous malgré tout, on reste debout, une bière à la main, jusqu’à la sortie de la baie protégée. Vaguement conscients qu’on va payer à partir de ce moment-là, on tente d’aller se coucher avant de débarquer sur l’océan. On a bien fait parce que qu’est-ce que ça tangue après! Le moindre déplacement est périlleux puisque tout le monde est projeté d’un côté puis de l’autre. Dormir est un défi!
Hommes comme femmes doivent bien se concentrer pour rester sur la cuvette des WC et tous attendent que l’on jette l’ancre. Le problème c’est qu’on est parti pour environ 30 heures de navigation (donc deux nuits). Les plus sensibles au mal de mer sont repérés rapidement, même si certains dévoilent leurs cartes en fin de partie. Les bols en plastique sont utilisés à chaque repas et les cuillères n’arrivent pas toujours pleines dans les bouches de chacun mais on y croit! La journée entière passe à ne voir ni rien ni personne à l’horizon, sauf des dauphins qui jouent avec la proue dès le génois hissé.
Malgré tout, Goeran, le capitaine, nous promet que tout en vaudra la chandelle dès qu’on atteindra la première île de San Blas le lendemain matin.
Wow
Et il a pas tort le bougre. La première, et toutes les suivantes, sont incroyables. On a l’impression d’être dans une carte postale: le ciel est bleu avec peut-être deux mini nuages, le sable est blanc, l’eau est turquoise, les poissons se cachent dans les récifs, prêts à être admirés, tandis que les cocotiers s’étirent dans tous les sens sur le petit bout de terre émergé. Il n’y a personne d’autre que nous et pas un autre voilier à l’horizon! Encore un peu intimidés par ce paysage, on part à la découverte de ce dernier avec les autres. Le tour de l’île est réalisé rapidement et chacun tente de se faire à cette nouvelle réalité. L’endroit est même la scène d’une demande en mariage au coucher de soleil. Rinke a accepté!
Qui dit îles paradisiaques, dit snorkeling. Une première pour nous. Avec une eau turquoise à 26°, des récifs coralliens regorgeant de poissons colorés, tortues et autres algues incroyables, du matériel de qualité, on a pris goût (mais aucune photo). Même Didier qui a réussi à se cramer tout le dos lors de la première sortie.
On reste 24 heures dans le coin à manger, patauger, boire des verres, puis on repart direction Waisaladup, île connue pour un habitant un peu particulier puisqu’un singe y réside. Il est généralement sympa mais peut à tout moment être « dangereux ». C’est ce qu’il s’est passé avec Didier puisque le singe lui a « sauté » dessus dans un premier temps, est resté dans ses bras puis s’est mis à être agressif quand le con d’humain a tenté de lui reprendre une lanière de sac à dos. Didier a très bien géré la situation et le singe est parti bouder dans un cabanon. On s’est remis de nos émotions en pratiquant un peu de beach-volley et en profitant du « Coco-Loco » organisé par le capitaine avec la complicité des locaux. On se sentait bien gringos à siroter nos noix de cocos-rhum dans la cahute des insulaires, mais ça, aussi, semble faire partie de l’expérience! Ce soir-là, le capitaine et son aide ont cuisiné de la langouste, fraîchement pêchée (et sauvagement tuée). Difficile de rêver plus idyllique comme table d’hôtes sur le pont du Quest à profiter du coucher de soleil sur Waisaladup.
Que des belles bêtes Deux vieux singes (l’autre, c’est le capitaine)
Le lendemain, l’arrivée à l’immigration Panaméenne est tout à fait curieuse: si normalement c’est une formalité lors de laquelle seul un passage du capitaine sur l’île ad’hoc est nécessaire, cela dépend apparemment de l’humeur du douanier. Celui-là, ayant eu vent (ha ha) de la composition de passagers du Quest, a apparemment très envie de voir nos têtes. En d’autres termes, il se distrairait bien à voir passer les 5 jeunes étrangères dans son bureau. Nous sommes donc tous requis sur l’île de Porvenir; sa piste de décollage (qui prend presque toute la surface de l’île), son musée, sa douane, ses vieilles cabines téléphoniques, et c’est tout. Au final, le « bienvenido a Panamá » se fait en 20 secondes pour les hommes, tous en maillot de bain et tongs et se conclut par une franche poignée de main après le tampon officiel. Pour les femmes, c’est un peu plus long et ponctué de plus de compliments, mais se passe sans autre complication. Bref, bienvenue au Panama!
La douane d’entrée au Panama. Dur.
Avant d’arriver sur la terre ferme, il nous reste un après-midi et une nuit de navigation océanique. Paradoxalement, ce furent les heures les plus difficiles: entre notre confiance exacerbée, tout ce qu’on a mangé et bu, cette dernière tranche est vraiment compliquée pour tout le monde. Certains repas font l’aller-retour dans le gosier.
Dernier déjeuner sur le pont du Quest dans la baie de Garrote, au nord du Panama, et c’est l’heure de retrouver la terre ferme, enfin! Après moultes hésitations, on décide de profiter du shuttle pour Panama City plutôt que de pédaler; il ne fait ni moins chaud ni moins humide au Panama qu’à Carthagène, les nuits en mer ont été peu reposantes, le célèbre train passager Colón-Panama City n’a pas repris son service, bref, on a plein d’excuses.
D’autant plus que ça tangue! On aura cette sensation les trente heures qui suivent, de manière vaguement intense. Ca veut dire qu’on s’accroche à la réception de l’hôtel du « Best Western Plus » (merci encore aux collègues de Margaux pour le bon !) au moment de la réservation, qu’on se prend les murs qu’on on se déplace dans la chambre, etc (enfin surtout Margaux, Didier semble être le meilleur matelot du duo).
Malgré ces désagréments, on essaie de partager nos journées entre la recherche rituelle de cartons (on décolle pour Genève dans quatre jours) et l’exploration de la métropole, et de son célébrissime canal. Vu qu’on reste des voyageurs à vélo; les visites se font sur nos fidèles destriers, à coup de 50 kilomètres urbains sur la journée. Pour l’anniversaire de Margaux, on s’offre un tour improvisé aux alentours du Canal de Panama avec l’objectif de traverser les deux immenses ponts du coin: le pont des Amériques et le pont Centenaire. L’exercice est peu agréable tant le trafic est dense et le bas-côté périlleux; mais on pourra dire qu’on a traversé 4 fois le canal de Panama. Autre constat, à l’image des bateaux gigantesques qui passent par l’ouvrage, ce dernier est énorme.
On passe nos deux dernières nuits de ce voyage chez une dernière hôte Warmshowers, Mercedes, qui vit dans un quartier huppé de la capitale. Elle est séduite par le concept du voyage à vélo mais attend encore de trouver la bonne destination. Hyper sympa, elle nous pistonne pour trouver les bons cartons, le taxi adéquat et nous prête la chambre de son fils, l’accès à son joli jardin et le soutien de sa « dame de maison ». On y croise aussi Omare, autre cycliste de passage, qui reste quelques jours chez Mercedes avant de partir pour la Colombie. Ensemble, on passe une excellente soirée à siroter du bon rouge tout en refaisant le monde à deux roues!
C’est la fin
Un dernier petit tour du centre ville de Panama City et c’est finalement le départ pour l’aéroport de Tocumen sous une pluie battante pour un vol sans encombres pour Madrid, puis Genève. Après notre dernier remontage de vélos dans la zone d’arrivée de l’aéroport, on avait envisagé rouler nos 44 kilomètres manquants entre Genève et Vevey pour arriver à 5’000 km. Le contraste entre les 33° du Panama et la météo exécrable que la Romandie déploie pour nous à l’arrivée nous dissuade finalement. On remontera tout de même de la gare de Vevey à nos pénates en pédalant!
L’arrivée à la maison est forcément l’heure du bilan. On aura donc:
- roulé (presque) 5’000 kilomètres,
- gravi (quasiment) 35’000 mètres de dénivelé,
- pris plus de 3’000 photos,
- réparé une trentaine de crevaisons, retendu 2 fois les chaînes, mais n’avons pas eu de soucis techniques sinon,
- visité (forcément très partiellement) 4 pays qui nous ont chacun profondément marqué, ému, inspiré, chacun à sa manière,
- attrapé (chacun) le COVID en voyage,
- traversé 3 frontières de manières différentes; à pied, en avion et en bateau,
- rencontré d’innombrables humains généreux, accueillants, souriants, curieux, heureux, passionnés, intenses et toujours inspirants,
- pris bien goût au voyage au long cours, en particulier à vélo!
On espère vous avoir fait rêver mais aussi vous avoir inspiré, exaspéré, donné envie, questionné, détendu, rassuré. On replonge maintenant dans notre vie casanière avec des souvenirs pleins la tête et la conscience du privilège immense d’avoir pu vivre ce voyage aux Amériques, d’avoir pu découvrir ces contrées et ces peuples du haut de nos fidèles bicyclettes.
À bientôt peut-être pour de nouvelles aventures!